Revue d’histoire intellectuelle

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Romain Vaissermann (ed.), Charles Péguy, l’écrivain et le politique

vendredi 25 septembre 2015

Lectures

Romain Vaissermann (ed.), Charles Péguy, l’écrivain et le politique
Paris, Éd. Rue d’Ulm-Presses de l’École normale supérieure, coll. « Figures normaliennes », 2004, 332 p.

THIERS (Éric)

Cet ouvrage est un recueil de textes rassemblés par Romain Vaissermann, membre très actif de l’Amitié Charles Péguy – on lui doit le site de référence péguiste sur Internet ; il entend saisir deux des nombreuses dimensions de l’œuvre de Péguy : celle de l’écrivain et celle du politique. Neuf articles figurent dans cet ouvrage, signés, pour l’essentiel, par des spécialistes de cette « figure normalienne » pour reprendre le nom de la collection qui accueille cette publication.
Claire Daudin, auteure d’une thèse sur la critique du monde moderne chez Bernanos et Péguy, signe une introduction très stimulante qui passe au crible et sans concession chacune des contributions. Elle conclut qu’il est temps pour la gauche française de réintégrer l’auteur de La cité socialiste parmi ses grands ancêtres notamment en réévaluant l’opposition Jaurès-Péguy (ce que vient d’ailleurs de faire l’Amitié Charles Péguy dans un colloque qui s’est tenu en décembre 2005, dont les contributions seront publiées en 2006). En dépit des efforts méritoires des contributeurs de cet ouvrage qui se présente souvent comme une réhabilitation d’un auteur si souvent décrié et trahi, nous craignons que cet appel demeure sans écho à une époque où la politique ne recherche guère dans les idées les raisons de son action.
Viennent ensuite plusieurs textes consacrés à l’écrivain. Le premier porte sur la mort du père chez Péguy (Romain Vaissermann), puis deux articles s’intéressent à son œuvre poétique : « Péguy bâtisseur. Thèmes et variations de l’architecture » (Frédéric Sarter), et la « Métaphore de la cathédrale dans la Tapisserie de Notre-Dame (Lioudmila Chvedova). On trouve également dans ce chapitre une étude de Pauline Bernon consacrée au style dans les dernières œuvres de Péguy.
Après le texte de Francine Lenne sur « L’art et le public dans les Cahiers de la Quinzaine », la seconde partie de l’ouvrage s’attaque à la politique de Péguy, avec une contribution de Patrick Charlot qui met en évidence le caractère libertaire de Péguy – son « acratisme » – et règle leur compte à ceux qui voient en lui un préfasciste. C’est d’ailleurs dans cette voie que poursuit Guillaume Bourgeade dans son article sur Péguy et l’Action française, après que Sébastien Richard eut évoqué Sorel et Péguy. À ce propos, Claire Daudin a raison d’estimer que loin de constituer un binôme, selon l’expression curieuse de S. Richard, Sorel et Péguy apparaissent bien souvent antithétiques.
Avant la remarquable chronologie thématique proposée par Romain Vaissermann, Michel Leplay, vice-président de l’Amitié Charles Péguy, conclut cet ensemble divers par un vibrant appel : il faut lire ce Péguy, réconciliateur des contraires, qui rassemble sans confondre et assemble sans immobiliser ; mais il faut savoir le lire en s’ouvrant à la vérité et à la surprise, prévient-il. Selon la belle expression de M. Leplay, Péguy est un écrivain du seuil. En poussant la porte de son œuvre, nul ne sait ce qu’il va découvrir. Le présent ouvrage nous offre quelques clés utiles pour s’y aventurer.


Cet article a été publié dans Mil neuf cent, n° 24, 2006 : , p. 214-215.
Auteur(s) : THIERS (Éric)
Titre : Romain Vaissermann (ed.), Charles Péguy, l’écrivain et le politique : Paris, Éd. Rue d’Ulm-Presses de l’École normale supérieure, coll. « Figures normaliennes », 2004, 332 p.
Pour citer cet article : http://www.revue1900.org/spip.php?article112