Revue d’histoire intellectuelle

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Hommage de Madeleine Rebérioux

mercredi 28 janvier 2009

À l’heure où nous nous apprêtons à rendre hommage à Madeleine Rebérioux, historienne à qui plusieurs d’entre nous, à Mil neuf cent, doivent beaucoup, comment ne pas rappeler que l’historienne qui nous a quittés voilà trois ans nous a déjà rendu la pareille, en soulignant l’affinité que nous avions avec elle, le refus du désenchantement historien ?

Au début de la préface de ses Parcours engagés dans la France contemporaine (Belin, 1999), elle écrit :

« Comment nos vies se constituent-elles ? Nos vies publiques, s’entend, politiques, intellectuelles et donc sociales. L’engagement, notion sartrienne, pratique propre aux clercs, n’est plus en vogue aujourd’hui. Les aînés regrettent souvent le temps perdu en meetings, manifestations, traque de signatures ; il leur arrive de juger fort condamnables leurs comportements de jeunesse, parfois d’âge mûr. L’ironie se mêle à la nostalgie, sinon à la condamnation : "Eh quoi ! Nous fûmes ainsi...". Les thèmes de recherche, les conduites existentielles sont sortis renouvelés de ces renoncements. Les plus jeunes se sentent moins coupables. Certains d’entre eux, "cadres moyens âgés de vingt-cinq à quarante ans", se font les greffiers de la société libérale, comme Flaubert, lorsqu’il écrivait Madame Bovary, se désespérait de la modernité du Second Empire.
Quelle erreur ce serait pourtant de croire que le vaste monde va comme Monsieur-tout-le-monde croit qu’il va ! L’Université, la recherche, la discipline qui porte en elle le présent et qu’on appelle l’histoire, n’ont pas produit que des parcours désenchantés. Surtout, le fossé qui sépare les générations n’est devenu béant que lorsque le passé tout entier, jugé contaminé, a été récusé, voire renié : ce ne fut pas toujours le cas, loin s’en faut. Fort éloignés l’une de l’autre, deux revue d’histoire, les Cahiers Georges Sorel et Genèses le disent chacune à leur manière. Nés en 1983, les Cahiers, aujourd’hui Mil neuf cent, se veulent l’expression, au tournant du siècle, d’une culture dominée dont se réclama le syndicalisme révolutionnaire : l’autre gauche était au pouvoir, pas pour longtemps... »