Revue d’histoire intellectuelle

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Patrice Rolland nous a quittés

vendredi 30 décembre 2022

Membre de la rédaction depuis 1988, notre ami et collègue Patrice Rolland est décédé le 30 octobre 2022. Par ces mots prononcés aux obsèques par Christophe Prochasson au nom de la revue, nous lui rendons ici un bref et premier hommage.

Patrice se compte parmi les savants qui réveillèrent les études soréliennes dans les années 1980. En 1986, il publia un important article consacré aux aspects juridiques de l’œuvre de Georges Sorel dans le Cahier de l’Herne qui lui était consacré. Fréquentant assidûment le séminaire de Jacques Julliard à l’École des hautes études en sciences sociales, ce dernier demanda à ce juriste aussi érudit qu’inventif de rallier la petite tribu de sa revue, les Cahiers Georges Sorel. Patrice ne la quitta plus et y publia de nombreuses études passionnantes comme il lui fournit des documents du plus haut intérêt.
Patrice avait toutes les qualités requises par le revuiste. Sa vaste culture – quoiqu’il se défendait toujours de n’être pas historien comme s’il s’agissait d’un défaut irrémédiable – faisait de lui une référence de premier plan pour tout ce qui relevait de l’histoire des idées politiques dont la revue est friande. Il lui apporta aussi de jeunes auteurs, comme il le fit encore dans le dernier numéro qu’à notre profond chagrin il ne verra pas.
Le revuiste doit faire valoir d’autres dispositions. La fidélité n’en est pas la dernière. Il doit être difficile de trouver une réunion de la rédaction où il ne fut pas. Chacune et chacun en son sein le considérait non seulement comme une voix qu’il fallait toujours entendre et souvent suivre mais aussi comme un ami, tout simplement. Les Cahiers Georges Sorel, devenus Mil neuf cent. Revue d’histoire intellectuelle, est une revue d’un bois particulier : c’est une revue-famille où l’on se sent chez soi.
La troisième qualité de Patrice qui fit merveille dans ce petit clan composé de personnalités si différentes est sa tolérance, plus encore sa curiosité. Nul de ce qui était humain ne semblait lui être indifférent. A Mil neuf cent cohabitent et œuvrent ensemble, sous l’empire d’une mutuelle estime jamais démentie, toutes sortes de sensibilités intellectuelles et politiques. Patrice s’amusait de ce joyeux désordre où conversaient bruyamment pacifistes chevelus, gaullistes de toujours, socialistes jaurésiens, modérés catholiques ou incroyants, péguystes et même interrogatifs. Tous et toutes s’aimaient. Et Patrice les aimaient toutes et tous parce qu’ils s’aimaient.
Christophe Prochasson